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KABA & NGONDO

22 janvier 2012

Mgr DONGMO et le coup d'Etat des Anges

Cameroun : Mgr Dongmo et le coup d’Etat des Anges.

Que valait la croyance d’un prélat qui avait eu le culot de défier le pouvoir Instituteurs coloniauxdans des chroniques de son journal, dans l’opposition aux mesures contre l’école catholique. Croyance contre croyance, l’évêque ne pesait pas lourd.

Ce 27 août 1970, quarante cinq minutes après son arrivée au Cameroun, Mgr Dongmo s’apprêtait à diriger la prière du soir dans l’enceinte de la procure des missions à Douala. Il retrouvait peu à peu cette chaleur africaine et surtout la sérénité d’être auprès des siens. Les deux semaines passées dans la capitale pontificale avaient renforcé ses convictions.

Durant le trajet, de l’aéroport de Douala à la procure dans le quartier résidentiel d’Akwa, il avait tenté de minimiser l’incidence sur son programme annuel des jours passés à Rome. Son bref séjour lui avait permis de donner au Pape et surtout au cardinal de la curie des éclaircissements sur les rumeurs qui circulaient à son propos. Au cardinal Villot, comme un mois auparavant lors d’une conversation avec l’archevêque de Yaoundé, Mgr Zoa, il avait tenu à préciser qu’il était victime d’une machination. Il accusait nommément Jean Fochivé, le Directeur des services secrets camerounais. Face aux inquiétudes du Cardinal Pignedoli, qui avait des doutes sur la bonne qualité des rapports entretenus avec les hommes politique camerounais, il n’eut pas de mal à situer ses relations, avec ces derniers, dans la mouvance des rapports brouillés entre les catholiques et les nouveaux dirigeants camerounais depuis 1962. Pour illustrer, il cita la prise de positions de l’Eglise contre les dérives du parti unique, les expulsions des missionnaires qui s’étaient montrés regardant sur les droits de l’homme, le problème des écoles confessionnelles et des multiples autres tracasseries des chrétiens…

« Nous vous amenons à Yaoundé »,

Le calme, qui précédait le début de la prière, fut brutalement rompu par l’intrusion dans l’enceinte de la procure de deux voitures. Les policiers qui surgirent des voitures semblaient connaître les lieux. Ils se dirigèrent vers l’office. Au prêtre de permanence, ils exigèrent d’être conduits dans les locaux occupés par l’évêque de Nkongsamba. Les remous inhabituels avaient attiré l’attention des quelques résidents. Dans le couloir qui menait aux chambres, la silhouette longiligne de Mgr Dongmo était apparue. Il n’eut pas le temps de leurs indiquer qu’il allait les suivre sans problème. Deux des hommes l’empoignèrent sans ménagement. Entre deux policiers, il refit le chemin inverse vers l’aéroport de Douala. « Nous vous amenons à Yaoundé », lui lança le plus jeune des hommes qui l’encadraient dans l’arrière de l’automobile.

Le procès du coup d’Etat des Anges

Près de quatre mois après cette arrestation brutale et peu courtoise, Mgr Dongmo était devant la barre du tribunal militaire de Yaoundé. Avant le début de l’audience, il priait doucement. Ses mains posées sur ses genoux, il rendait grâce à Dieu. Durant de longs mois, il s’était demandé s’il aura un jour l’occasion de témoigner devant la barre. Les traces physiques des tortures avaient cicatrisées. Il retrouvait peu à peu l’usage de ses membres supérieurs. Car, bien qu’enfermé dans un cachot humide et sombre de la police militaire, ses geôliers prenaient soin de lui laisser des menottes aux poignets. Ils participaient à leurs manières à la diabolisation de l’homme. La Radio d’Etat faisait lire en boucle les nombreuses motions de soutien au régime Ahidjo et surtout des appels à une sanction exemplaire pour « les apprentis sorcier ».

Mgr Dongmo et les 76 autres personnes arrêtées au même moment n’avaient toujours pas des précisions sur les faits qui leurs étaient reprochés. Le premier jour du procès, l’Unité, le journal du parti unique au pouvoir, fit sa une sur « l’Affaire Monseigneur Dongmo ». Les Camerounais découvrir ainsi les charges retenues contre l’évêque de Nkongsamba. Le journal notait : « On reproche à Mgr Dongmo, ainsi qu’a Tabeu Gabriel dit Wambo-le-courant, Takala Celestin et Fandjept Zacharie, d’avoir à Yaoundé, arrondissement de Djoungolo, département de la Mefou, courant 1967-1968, en tout cas depuis un temps que le faits ne sont pas encore prescrits :

- « Organisé et commandé une bande armée dans le dessein de tenter par la violence, soit de modifier les lois constitutionnelles, soit de renverser les autorités politiques... »

-« Tenté d’assassiner le président de la République fédérale du Cameroun ainsi que ses proches collaborateurs… »

Aumônier du groupe de prière « la Sainte croix ».

Le président du tribunal fut plus précis. Il foulait faire admettre au prélat son rôle comme aumônier du groupe de prière dénommé « la Sainte croix ». Celui-ci, selon le magistrat, avait pour ambition de fomenter un coup d’Etat avec l’aide des Anges.

Devant l’étonnement de Mgr Dongmo, qui osa, « Monsieur le président, comment pouvais-je ? Je suis un homme d’Eglise et pas un soldat ». Sans se démonter, répétant les phrases qu’il semblait avoir mémorisées, le magistrat, tout en feuilletant furtivement le dossier posé devant lui, gronda : Monseigneur Dongmo ? Etiez-vous ? Oui ou Non l’aumônier du groupe de prière « la sainte croix » ? Oui ! Monsieur le président, je suis aussi l’évêque de Nkongsamba, le Directeur de publication du journal l’Essor des jeunes, le co-fondateur de la société Mungo Plastique. Il avait arrêté son énumération sur un geste de la main du président. Ce dernier reprit la parole. Penché sur la pile de feuilles, il lu : « Du 20 novembre 1966 au 13 juillet 1967, en compagnie du dénommé Tabeu Gabriel dit Wambo le courant et de Takala Célestin, vous avez organisé tous les mardis des séances de prières autour d’un fusil de chasse qui vous appartenait », termina t-il en levant la tête. Sans laisser le temps aux prévenus de réagir, il reprit : « En août 1967, Wambo-le-courant vous affirme qu’il a une vision, et que l’archange Michel lui a fait savoir que Dieu n’était pas content du gouvernement du Cameroun, et que celui-ci devait être remplacé. Le remplacement allait être effectué à l’issue d’une lutte mystique au cours de laquelle des Anges eux-mêmes devaient opérer. Ainsi, pour symboliser cette lutte mystique, il fallait déposer des armes à l’endroit où vous prierez, et les y laisser pendant toute la durée de la prière »

Que pouvait dire le prélat ? Evêque dans un pays de près de 40% de chrétiens, il ne pouvait pas s’étonner de n’être pas le seul à croire aux miracles. Il avait beau clamer son innocence, ses rapports avec le président Ahidjo pour ramener la paix dans le pays, rien n’y fit. L’on était dans le domaine de la croyance. Que valait la croyance d’un prélat qui avait eu le culot de défier le pouvoir dans des chroniques de son journal, dans l’opposition aux mesures contre l’école catholique. Croyance contre croyance l’évêque ne pesait pas lourd. Condamné à mort, sa peine fut commuée en détention à perpétuité.

 Noumbissie M. Tchouaké Afrique @Reporters

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